Gâteau aux pommes
Sur la recette de ma grand-mère avec une lettre à mon grand-père
Ingrédients:
4 œufs
1 tasse de sucre
½ tasse d’huile neutre
½ tasse de beurre fondu
2/3 tasse de lait tiède
2 tasses de farine
1 sachet de levure chimique
1 kg de pommes
1 cuillère à café de cannelle
Sucre au goût
Zeste de citron (facultatif)
Préparation:
Commencer par éplucher et râper les pommes. Sucrer au goût et aromatiser à la cannelle. Presser le tout dans une passoire pour enlever le surplus du jus.
Fouetter les œufs et le sucre en mousse dans un bol profond. Verser petit à petit le beurre fondu, l’huile et le lait. Enfin, incorporer la farine et la levure. Obtenir une pâte collante et relativement épaisse.
Verser la moitié du mélange dans un plat de cuisson rectangulaire, bien beurré. Etaler dessus la farce de pommes râpées. Couvrir du reste de la pâte et lisser à la spatule.
Cuire le gâteau aux pommes au four à 180°C environ 30-40 minutes. Vérifier la cuisson avec la lame d’un couteau enfoncée dans le gâteau, elle doit en ressortir sèche. Laisser refroidir avant de couper et servir. Saupoudrer de sucre glace pour une meilleure présentation.
Lettre à mon grand-père
Cher papi,
Encore un an écoulé sans toi. Tu me manques toujours autant comme si c’était hier que tu as fait ta mallette et t’es éloigné doucement dans la nuit. Je t’écris pour te demander comment tu vas là-haut. J’imagine que tu as formé toute une équipe d’artisans et vous bâtissez palais après palais, temple après temple dans le royaume des cieux. Et tu es sans doute toujours disponible pour aider mamie à concocter de bons plats délicieux pour tous.
Je t’écris aussi pour te remercier de t’avoir eu, d’avoir été pour moi cette belle âme souriante, ce grand-père sublime et si gentil! Je ne te l’ai sans doute jamais dit au fil des années, mais je remarquais tous tes petits soins, chaque sourire, chaque mot tendre. Je les appréciais et te remerciais en silence. Et je t’aimais davantage chaque jour. Mais je ne te le disais pas vraiment.
Je me souviens, par exemple, comment tu me réservais toujours le cœur de la pastèque, rien que pour moi! Tu me servais toujours le bout de viande le plus tendre, alors que tu te contentais de manger les morceaux gras et caoutchouteux. Tu m’épluchais les fruits les plus mûrs et sucrés alors que tu sauvais ceux qui commençaient à pourrir et flétrir. Et c’est vers moi que tu poussais le plus grand bol de riz au lait alors que tu aimais ce dessert tout autant que moi. Je m’en souviens et te remercie!
Je me souviens aussi l’été de mes 9 ans (mon cousin Vladimir avait 10 ans) nous étions en vacances dans ton village natal. Tu nous as emmenés tous les deux faire une randonnée dans la montagne en face de chez nous. Nous avons joué, couru, roulé, grimpé, pique-niqué, que des choses qui écrivent les souvenirs. Ensuite, nous avons pris le chemin du retour en marchant pieds nus dans la rivière qui sinuait jusqu’à notre maison. Sauf que moi je n’arrivais pas à marcher sur les pierres qui tapissaient le lit de la rivière et me tordais dans l’effort de les éviter ou mieux choisir. Tu m’as alors prise dans tes bras et m’as portée ainsi jusqu’à ce que nous ayons atteint notre chemin entre les potagers et sommes sortis de la rivière. Je m’en souviens aussi et te remercie!
Je me souviens que c’était toi qui m’as emmenée à l’école le premier jour, ma première rentrée (le CE1 marque ce jour solennel en Bulgarie). C’était toi aussi qui venais me chercher à la sortie de mes cours de français et des répétitions avec le chœur plusieurs fois par semaine. Et c’était encore toi qui te caillais plus d’une heure à m’attendre finir mes cours de patins à glace chaque jeudi et samedi. Je ne t’ai jamais vu renfrogné, ni ennuyé. Tes yeux disaient que douceur et joie. Je m’en souviens aussi et te remercie!
Je me souviens que tu préparais mon petit déjeuner chaque matin avant les classes. Tu te levais très tôt réchauffer du lait et tartiner des tranches de pain. Tu me faisais aussi un sandwich pour la récréation. Toujours avec le pain plus frais, avec une bonne couche de beurre et du saucisson ou du fromage. Qu’est-ce que j’aimais tes sandwiches! Tu me laissais aussi 25 centimes au bord de la table dans le vestibule pour m’acheter quelque chose pendant la grande récréation. Ça suffisait pour tant de choses! Pour une petite brioche nappée de sucre du stand au marché, ou bien un bagel de la boulangerie, ou bien une sorte de croque-monsieur à la viande hachée du fast-food sur la rue principale, ou bien un petit sac en papier de frites ou petits poissons frits du fourgon à côté de l’école, ou bien un toast au fromage du petit snack de l’école, ou bien des cacahuètes tout juste cuites du stand près de l’arrêt de tramway. Et plein de choses encore, comme des petites babioles de la librairie, telle une gomme, un crayon ou un petit carnet. Par contre, à l’approche de Noël j’économisais ces 25 centimes et lorsque ma richesse remontait à 10 léva, nous sortions tous les deux et j’achetais en cachette un petit cadeau pour chaque membre de ma famille. Tu faisais semblant de ne rien voir en lisant ton journal ou regardant exprès ailleurs. Tu vois, je m’en souviens aussi et te remercie!
Je me souviens que c’était toujours toi qui faisais la vaisselle. A l’époque, vous n’aviez même pas de ballon d’eau chaude avec mamie et tu chauffais de l’eau dans la théière. Sauf que tu rinçais la vaisselle à l’eau froide. Je ne t’ai jamais entendu te plaindre à ce sujet! Et tu étais toujours celui qui montait les bidons de fioul pour les poêles depuis la cuve dans la cave, 4 étages à pied avec peut-être 40 litres de combustible dans les mains! Ensuite tu allumais les poêles et c’était de nouveau chaud et cosy à la maison. Je m’en souviens aussi et te remercie!
Je me souviens que je te demandais parfois de me raconter une histoire. Sauf que tu n’en connaissais pas et me racontais toujours la même. Elle tournait autour d’un cochon, une forêt, des glands et un loup. Tu ne t’es jamais lassé de la ressortir pour moi et recommençais ton récit. Je m’en souviens aussi et te remercie!
Je t’ai demandé un jour si nous pouvions faire un potager lorsque nous étions en vacances dans ta maison de campagne. Tu as passé plusieurs jours entiers à débroussailler un bout de terrain. A tailler, couper, scier, à labourer, tamiser et lisser la terre juste pour avoir un beau carré de jardin. Tu as même retapé la clôture et fabriqué un portillon en bois. Et nous voilà ensuite à planter des carottes, des pommes de terre, des haricots, des poivrons, des concombres et des tomates ainsi que des herbes aromatiques. Tu devais prendre appui sur une béquille à l’époque comme un accident de tramway t’avais pris ta souplesse en rentrant du travail. Mais ceci ne t’empêchait point de semer, planter et désherber à genoux dans notre potager. Je t’aidais beaucoup mais tu faisais le plus gros du travail. Je m’en souviens également et te remercie!
Je te vois encore assis dans la cuisine à faire des conserves pour l’hiver. A tailler, aligner, précuire, assaisonner des tonnes de légumes chaque automne, à stériliser des sauces tomates (simples ou cuisinées en lyuténitsa), des haricots verts et jaunes, des cornichons, des poivrons rouges grillés et épluchés, des sauces aubergine-poivron (appelées kyopolou chez nous), des petits pois. Tu faisais aussi des compotes en remplissant des grands bocaux de fruits, eau et sucre. Nous avions ainsi nos «5 fruits et légumes par jour» tout l’hiver comme, hors saison, on n’en trouvait pas des frais à l’époque. J’admirais ta patience de râper des dizaines de kilos de pommes, courges et coings pour les stériliser ensuite en bocal pour les futures tartes et gâteaux en hiver. Tu râpais à la main, sans te plaindre. Calme et souriant, occupé en cuisine. Mamie était le chef cuisinier et toi tous ses assistants à la fois. Tu ne rechignais pas non plus à te geler dehors le temps de griller les gros sacs de poivrons rouges pour en faire des sauces ou les stériliser entiers pour les omelettes et ratatouilles en hiver. Je t’aidais quand mes leçons et devoirs le permettaient, mais comme toujours, l’essentiel venait de toi. Je m’en souviens aussi et te remercie!
Je me souviens aussi d’un été où j’ai voulu faire du fromage. Nous étions encore au village. Tu n’as pas rejeté cette nouvelle passion, au contraire, tu as simplement pris un plus grand bidon pour aller chercher du lait à la ferme. Tu y allais presque tous les jours de toute façon. Et tu étais mon héro comme tu avais déjà besoin de 2 béquilles pour avancer et que la ferme était à peut-être 2 km de chez nous. Ton sac en bandoulière, j’entendais tes béquilles s’éloigner sur la route pavée. Je te trouvais tellement beau. Je t’accompagnais parfois, mais tu préférais y aller tôt le matin. Ensuite, tu m’as fabriqué un petit moule en bois pour le fromage (type feta) avec le fond troué et amovible. Le fromage pouvait ainsi mieux s’égoutter et prendre la forme d’une brique. Enfin, tu m’as appris comment le faire. Quel délice notre fromage! Je m’en souviens également et te remercie!
Et tu te souviens, papi, comment la porte du bar de la bibliothèque grinçait? Mamie n’y rangeait pas de l’alcool mais des nappes, serviettes et boîtes de bonbons en chocolat. Quand l’envie de sucrerie te prenais, tu me faisais signe d’attaquer le bar. Je te suivais et attendais mon gain de chocolat que tu distribuais en cachette. Bien sûr mamie ne tardait pas de crier de la pièce à côté: «Je vous entends!». Le grincement de la porte du bar nous trahissait. Je m’en souvient aussi et te remercie!
Tu vois, papi, je peux en écrire tout un roman! Nous avons eu tant de bons moments et tu faisais tant de choses pour moi! Je n’ai rien oublié et pour chaque petite bribe je t’aimais plus infiniment chaque jour.
Je t’ai fait un de tes gâteaux préférés. Mamie nous le faisait régulièrement à l’époque (tu râpais les pommes, évidemment). Tu aimais bien en prendre au goûter avec une tasse de chocolat chaud. Tu te servais une bonne tranche de gâteau que tu suivais d’encore un petit bout et d’encore un, juste pour mieux aligner le gâteau dans le plat. Je te tenais parfois compagnie dans ce complot secret que mamie découvrait rapidement en fin de compte.
Je te sers un grand morceau, papi! Et je t’embrasse très fort! Merci!
P.S. Et tu sais, papi, mon petit deuxième porte ton prénom, Thomas!